Avec l’article 11 du projet de loi Climat et Résilience, les commerces alimentaires de plus de 400 mètres carrés auront pour obligation de consacrer 20 % de leur surface de vente au vrac d’ici à 2030. Un objectif ambitieux qui impacte l’ensemble des acteurs de la grande distribution. Par la voix d’Olivier Kopp, spécialiste du secteur agroalimentaire et distribution, le cabinet de Conseil en Fusion-Acquisition AURIS Finance vous livre son analyse.
Depuis quelques mois en France des points de vente spécialisés dans le vrac font leur apparition. Leur crédo : flatter la fibre écologique des consommateurs en leur proposant une distribution de produits sans emballages plastiques. Pour ce faire, les clients sont invités à se rendre en magasin avec leurs propres contenants. Au-delà des considérations écologiques, le secteur devrait être largement amené à se développer au cours des prochaines années, porté à la fois par la demande des consommateurs, mais également par l’évolution du cadre législatif.
Le potentiel du marché du vrac alimentaire estimé à 3,2 milliards d’euros dès 2022
Pour l’heure quelques enseignes spécialisées tiennent le marché : elles seraient près de 700 en 2021, contre 400 en 2020, et seulement 236 en 2018, selon les chiffres livrés par l’association Réseau Vrac. Parmi elles, il est possible de citer Day By Day, qui en quelques mois a multiplié les ouvertures de point de vente au sein de l’Hexagone. Il faut dire que le marché est en plein essor : évalué à 1,2 milliard d’euros en 2019, le marché du vrac alimentaire devrait atteindre 3,2 milliards d’euros en 2022. Si les petites épiceries font recette, qu’en est-il des grandes surfaces qui progressivement et conformément à l’article 11 de la loi Résilience Climat devront étendre leurs rayons vracs ? Si les grandes surfaces ont largement revues à la baisse l’usage du plastique dans leurs emballages, rares sont celles prêtes à franchir le cap de la vente tout en silo. Parmi les freins invoqués : l’hygiène, les difficultés d’approvisionnement et de stockage.
Les limites du bénéfice environnemental :
« Au travers de la loi Climat et Résilience on entend donner une norme permettant de limiter l’utilisation d’emballages plastiques en grande surface. Cependant, une analyse détaillée montre que l’acheminement du vrac nécessite beaucoup d’étapes intermédiaires. Finalement, si l’on prend en compte le transport, le bilan environnemental du vrac n’est peut-être pas aussi favorable qu’escompté », met en garde Olivier Kopp, spécialiste de l’accompagnement des cessions et rachats d’entreprises spécialistes de l’agroalimentaire et de la grande distribution chez Auris Finance.
Ainsi, dès 2012, dans une étude intitulée « la vente en vrac. Pratiques & Perspectives », l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) temporisait « très peu d’études ont été conduites sur l’impact environnemental global (CO2, transport, etc.) du vrac tout au long du cycle de vie des produits, de sorte que l’on manque encore de données objectives et généralisables capables de soutenir le développement du vrac au-delà des convictions militantes ou de projets pilotes isolés ». Dix années plus tard, le bilan du vrac alimentaire reste mitigé, comme en atteste une récente étude WWF réalisée par le cabinet de conseil EY. Si les alternatives aux emballages plastiques permettent une réduction notable des déchets en plastique (- 96%) et des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie (- 48 %), elles sont en revanche beaucoup plus gourmandes en eau (+ 169 %), indique l’étude.
L’emballage n’est pas l’ennemi du consommateur !
Au-delà de l’aspect écologique, la généralisation du vrac soulève d’autres interrogations. « L’environnement n’est pas le seul enjeu » analyse Olivier Kopp qui détaille : « l’emballage n’est pas l’ennemi du consommateur ! Il a de nombreuses fonctions relatives à la protection du produit, à l’information du consommateur sur l’origine des matières premières, sur les normes qualité (NF, Label Rouge, BIO, Commerce Équitable, etc.) ainsi que sur les allergènes.
Le fait que toutes ces informations soient portées par un emballage dès le lieu de fabrication du produit garanti une parfaite traçabilité et facilite des contrôles. L’emballage garantit mieux l’hygiène du produit : d’ailleurs les consommateurs ne s’y sont pas trompés et les ventes en vrac ont fléchit pendant les confinements. Certains produits gagnent aussi à être livrés en conditionnement individuel, facilement transportable, et prolongeant la durée de vie de chaque portion, évitant ainsi le gaspillage alimentaire ».
Apposer sa marque permet de valoriser son entreprise
Dans une optique de cession d’entreprise, la marque reste un marqueur essentiel « Il faut bien avoir à l’esprit que le vrac alimentaire rend difficile, voire impossible, l’apposition d’une marque. Le rôle d’une marque est de garantir un niveau de qualité que le consommateur est assuré de retrouver d’un achat à l’autre. Aussi, le développement du vrac pourrait faire perdre de la valeur aux entreprises dont le savoir-faire est protégé par une marque qui a su rendre célèbres et désirables leurs produits », conclut Olivier Kopp.