Le secteur poursuit sa croissance en 2022
L’exercice 2021 avait été marqué favorablement par le rebond économique post-covid. Les entreprises d’ingénierie avaient profité des effets de rattrapage : lancement des chantiers initialement prévus en 2020 et redémarrage des projets interrompus lors des confinements successifs. Cette reprise avait été d’autant plus importante qu’elle était soutenue par les pouvoirs publics via les différents dispositifs d’aides aux entreprises mis en place dans le cadre du plan « France Relance », budgété à 100 milliards d’euros.
En début d’année 2022, les ingénieristes s’interrogeaient toutefois sur la pérennité de cette dynamique de reprise et sur le niveau de croissance que présenterait le secteur des services d’ingénierie, d’études et de conseils techniques en fin d’année.
Finalement, l’exercice 2022 s’est inscrit dans la continuité du précédent et, dans leur ensemble, les acteurs du secteur ont réussi à conserver leur dynamique de croissance. Il est cependant important de noter que cette tendance haussière a été inégalement répartie entre les différents domaines de l’ingénierie. Alors que les sociétés de conseil en technologies présentent en fin d’année une croissance autour de +8%, portée notamment par le redressement en 2022 des deux principaux marchés clients, l’aéronautique et l’automobile, les ingénieristes de la construction ont quant à eux subi les conséquences du repli des marchés des travaux publics et du logement neuf (hausse des coûts et tensions sur les finances des collectivités) et n’affichent qu’une hausse de +3%.
La transition énergétique comme moteur du secteur
Tendance de fond déjà constatée sur les années précédentes, la préoccupation pour les enjeux environnementaux et énergétiques s’est encore accentuée en 2022. Alors que la demande en prestations d’ingénierie dans le domaine du développement durable était jusque-là tirée principalement par le besoin des grands donneurs d’ordre de respecter leurs engagements RSE et par les incitations gouvernementales, elle s’est fortement intensifiée avec la hausse record des prix de l’énergie, découlant de l’accumulation de différents facteurs économiques (forte reprise de la production mondiale post-covid…) et géopolitiques (guerre en Ukraine…) et provoquant de fortes tensions sur les coûts de production. Dès lors, la maitrise des dépenses énergétiques est devenue un enjeu crucial pour les industriels et les maîtres d’ouvrage. Pour optimiser leurs marges, ces derniers sont contraints de se tourner vers les entreprises d’ingénierie spécialisées, qui les accompagnent dans leurs projets de transition autour de 5 grandes thématiques :
- • Production, transport, distribution et stockage de l’énergie
- • Mobilité sobre et bas carbone
- • Décarbonation de l’activité industrielle
- • Construction et rénovation du bâtiment (énergie positive)
- • Adaptation des territoires au changement climatique
Évolution de la demande en prestations d’ingénierie liées aux enjeux environnementaux et énergétiques
Graphique issu du rapport « Les métiers et les compétences de l’ingénierie face à l’enjeu du climat »
(OPIIEC, 2022)
La réponse apportée par les ingénieristes à cette nouvelle demande requiert de nombreuses compétences complémentaires : génie énergétique (Fluides, EnR…), génie climatique (CVC, HVAC…), génie électrique (CFO-Cfa, GTB-GTC…) et ingénierie environnementale (traitement de l’air, de l’eau, des déchets…). Pour s’adapter aux changements du marché, les prestataires de services d’ingénierie font donc aujourd’hui face à des choix stratégiques, entre diversification des expertises et spécialisation.
L’émergence et la croissance forte des acteurs de l’assistance technique sont également les résultantes de cette demande croissante en compétences recherchées sur les projets industriels.
Les performances des bureaux d’études spécialisés dans le conseil en développement durable pour les acteurs de l’immobilier tels qu’Arp Astrance ou G-ON illustrent parfaitement l’évolution de la demande constatée en 2022 : chacun d’eux présentent en fin d’année une croissance proche des +100%.
Des difficultés de recrutement persistantes
Après la période de crise sanitaire durant laquelle les ingénieristes avaient été enclin à fournir des efforts pour maîtriser leurs charges salariales, le contexte de reprise engendre à l’inverse un besoin urgent de consolider les effectifs pour répondre à la hausse de la demande. On recense ainsi en 2022 près de 175 000 offres d’emploi dans le secteur, soit une hausse de +33% par rapport à l’année précédente.
Ce besoin est double. D’une part, les entreprises de services en ingénierie doivent s’adapter aux mutations du marché et recruter des profils d’ingénieurs apportant de nouvelles expertises recherchées par les clients (performance énergétique, impact carbone, etc.). D’autre part, les acteurs indépendants, en concurrence avec les majors de l’ingénierie, ont la nécessité d’atteindre une taille critique pour réussir à être référencés auprès des grands donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage et remporter des appels d’offre.
Mais cette politique de recrutement se heurte à des obstacles structurels. Premièrement, la pénurie constante de main d’œuvre qualifiée dans le secteur entraine une pression qui incite les DRH à concéder des rémunérations à l’entrée plus élevées puis des revalorisations salariales qui pèsent sur les charges de personnel. Deuxièmement, la profession connaît des taux de turn-over élevés, de l’ordre de 15% à 30% en moyenne, obligeant les entreprises à multiplier les initiatives de fidélisation : dispositifs de formation continue, amélioration de la Qualité de Vie au Travail (QVT), programmes de mobilité internationale, etc.
Les opérations de croissance externe comme réponses aux problématiques du secteur
Malgré les incertitudes liées au contexte géopolitique et le potentiel frein que constitue la hausse des taux d’intérêt, le secteur de l’ingénierie, que ce soit dans la construction, les procédés industriels, l’énergie, l’innovation ou l’assistance technique, est resté dynamique en termes d’opérations de fusions-acquisitions en 2022.
Cette tendance s’explique notamment par le fait que le recours à la croissance externe constitue un des principaux leviers pour répondre efficacement aux problématiques rencontrées par les acteurs du secteur.
Pour pallier les difficultés de recrutement, de nombreuses entreprises d’ingénierie ont en effet choisi de réaliser des opérations de rachat de confrères aux activités et compétences complémentaires et d’étoffer ainsi rapidement leurs effectifs en apportant des ressources humaines qualifiées (ex : acquisition du contractant général VISA INGENIERIE par GROUPE GUITON ; acquisition de la société de conseil en ingénierie BTM CONSULTANTS par B-HIVE).
L’analyse des opérations M&A dans le secteur en 2022 montre également que de nombreux rapprochements d’entreprises (fusions et acquisitions) ont été motivés par le besoin d’acquérir ou de renforcer des compétences techniques très spécifiques répondant aux mutations de la demande client, notamment dans les domaines du génie climatique (ex : acquisition de CLIMACOOL par BLUE PEARL ENERGY ; acquisition d’ATP par ALTER EGO), des diagnostics environnementaux pour l’industrie (ex : acquisition de ENVIRONNEMENT – INVESTIGATIONS par le GROUPE GINGER ; acquisition d’ACTERRA par INGEROP) ou encore des mobilités bas carbone (ex : acquisition ACTIA POWER par PLASTIC OMNIUM).
Sources : OPIIEC ; Études Xerfi ; Classement « Les Champions de la Croissance 2022 » par Les Echos et Statista.
QUELQUES EXEMPLES D’OPÉRATIONS M&A RÉALISÉES EN 2022 IMPLIQUANT DES ACTEURS FRANÇAIS DU SECTEUR INGÉNIERIE :
Acquéreur / Investisseur | Pays Acquéreur | Cible | Type Opération large |
---|---|---|---|
GROUPE SOFT | France | ACE INGENIERIE | M&A |
INGEROP | France | ACTERRA | M&A |
PLASTIC OMNIUM | France | ACTIA POWER | M&A |
ACCENTURE | Irlande | AFD.TECH | M&A |
EGIS | France | AG CONCEPT | M&A |
ALTER EGO | France | AIR TRAITEMENT PROCESS | M&A |
MANAGEMENT | France | ALTEREO | LBO |
INTECH GROUP | France | ART INDUSTRIE | M&A |
ALTYN GROUP | France | AVELTYS | M&A |
SODERO GESTION | France | AZ METAL | Levée de fonds |
ALBEDO | France | BESB | M&A |
BAM | France | BRIT'ALU | M&A |
BLUE PEARL ENERGY | France | BST | M&A |
B-HIVE | France | BTM CONSULTANTS | M&A |
ORANO | France | CERIS GROUP | M&A |
SAFRAN MBDA | France | CILAS | M&A |
BLUE PEARL ENERGY | France | CLIMACOOL | M&A |
CAP INGELEC | France | CONCEPTUEL | M&A |
SOLUTECH | France | CONPAS INNOVATIVE | M&A |
AVENIR TELECOM / QUEYRAS | France | CORZY AIR | Levée de fonds |
BLUE PEARL ENERGY | France | ECCI-DURBIANO | M&A |
VULCAIN ENGINEERING | France | EFINOR (PÔLE AMÉNAGEMENT NAVAL) | M&A |
TIKEHAU CAPITAL / CAISSE DES DÉPÔTS | France | EGIS | Levée de fonds |
ALTRAD | France | ENDEL | M&A |
ISATIS CAPITAL | France | ENERTION | LBO |
GINGER | France | ENVIRONNEMENT - INVESTIGATIONS | M&A |
FAMILLE HERTEAU | France | EXITIS | M&A |
BLUE PEARL ENERGY | Belgique/France | FCT | M&A |
CAPITAL EXPORT | France | FOGALE SENSORS | LBO |
GINGER | France | FUGRO FRANCE DIVISION LSC | M&A |
COBEPA | Belgique | GROUPE CLIMATER | LBO |
TURENNE EMERGENCE | France | INAXE | LBO |
ORANO | France | INEVO | M&A |
CAP INGELEC | France | INGENOVA | M&A |
ABL GROUP | Royaume-Uni | INNOSEA | M&A |
DELTA ENGINEERING | France | ISYTECH | M&A |
BAELEN | France | MACHINE DUBUIT | M&A |
DOLFINES | France | MAINTCONTROL | M&A |
INSTALLUX | France | MÉCANALU | M&A |
PHOTOSOL | France | MOBEXI | M&A |
TURENNE GROUPE / MANAGERS | France | OCELLIS | LBO |
BETEM | France | OPTIMETRIE | M&A |
ASSYSTEM | France | OREKA INGÉNIERIE | M&A |
GROUPE KALI | France | PHRYSE | M&A |
PACEO | France | QUELET COMPOSITES & SOLUTIONS | M&A |
GESTAL | France | RCT INDUSTRIE | M&A |
DEMETER / KREAXI / HAND PARTNERS / VENTECH | France | REVCOO | Levée de fonds |
SILEANE | France | ROBAUT CONCEPTION | M&A |
ALPHI | France | SIMPRA | M&A |
OCTOPUS BIOSAFETY | France | TIBOT | M&A |
ORINOX | France | URBICA | M&A |
WEINBERG CAPITAL | France | VERTICAL SEA | LBO |
GROUPE GUITON | France | VISA INGENIERIE | M&A |